À sa sortie de l’hôpital, en 2001, Cécile réalise qu’elle ne peut plus rien faire seule. Triste sort pour celle qui aimait être indépendante. Ses journées se résument à des séances de kiné et quelques sorties en ville. Elle essaye tant bien que mal de reprendre le tennis de table, en vain. « C’était trop frustrant, je suis droitière mais je ne pouvais plus tenir ma raquette de la bonne main. Il y avait un monde entre mon niveau et celui que j’avais avant d’être en fauteuil », regrette-t-elle. La jeune femme passe alors beaucoup de temps à l’Association des Paralysés de France (APF) qui organise de nombreuses activités tout au long de l’année.
C’est dans ce cadre qu’elle participe à une initiation à l’escrime handisport. Sa main droite paralysée, elle apprend à tirer de la main gauche. Celui qui va devenir son entraîneur et mentor, Gilles Bourret, se rappelle très bien de cette première rencontre : « Ce que je lui demandais, elle arrivait à le réaliser. Elle comprenait très rapidement comment attaquer, comment se défendre. J’ai très vite senti son potentiel. » Séduite par la discipline qu’elle vient de découvrir, Cécile prend une licence dans le club du Plessis-Bouchard (Val d’Oise), où Gilles a monté une section handisport. Elle choisit de pratiquer l'épée et le fleuret. « Je voyais le sport comme un moyen de rencontrer du monde, de sortir et d’exister socialement. J’avais aussi l’espoir de récupérer l’usage de certaines parties de mon corps », confie-t-elle.
Plus le temps passe, et plus l’escrime lui plaît. Son niveau est très bon, à tel point que la jeune femme participe, en 2003, à ses premiers Championnats de France avec la catégorie C, celle des tétraplégiques.
Et sur le plan professionnel, la situation évolue enfin. Après plusieurs refus, Cécile obtient la reconnaissance de sa qualité de travailleuse handicapée (RQTH).
Elle peut alors travailler de nouveau et son diplôme d’éducatrice spécialisée lui permet ainsi d'encadrer certains séjours organisés par l'APF.
L’année 2007 est cruciale. Grâce à ses résultats et à une évolution "positive" de sa maladie, Cécile passe en catégorie B, et réussit à être sélectionnée pour sa première étape de Coupe du Monde. Elle prépare et obtient également son diplôme d’entraîneuse. Quelques mois plus tard, son club reçoit un coup de fil de l’Assédic. « L’association cherchait une personne handicapée pratiquant le sport, parce qu’on est considéré comme autonome. Ce n’était pas le boulot de ma vie, mais au moins, ça me permettait d’avoir un rôle dans la société. C’était indispensable pour moi », reconnaît-elle. Cécile signe alors un CDI en tant que conseillère indemnisation. Un vrai soulagement.
« Je touchais une pension d’invalidité, mais je tenais à travailler à côté. Cet argent qui tombait de l’État, je n’avais pas l’impression de le mériter. » Mais lorsque la jeune femme reçoit son avis d’imposition, la note est salée. En travaillant à 90%, elle n’a plus droit à son aide financière et doit en plus payer des impôts. Elle décide donc de faire un avenant à son contrat et passe à 60% pour ne plus être imposable et toucher à nouveau sa pension. Ses trois jours de libre lui permettent surtout d’aller à l’entraînement plus régulièrement.
Le compromis est trouvé.
Quelques mois plus tard, Cécile choisit pourtant de se couper du monde de l’escrime. « En 2008, elle en a eu assez. Elle faisait énormément d’efforts, mais dans le système fédéral, on ne la voyait pas comme quelqu’un qui allait réussir. Ca l’a stoppé dans son élan, elle n’avait plus envie », résume son coach. Dans le même temps, son aventure avec Éric, devenu trop étouffant, prend fin. Mais encore une fois, un coup du sort va changer son destin. En 2010, les Championnats du Monde ont lieu à Paris, et il manque une athlète à la délégation française pour pouvoir s’aligner sur la compétition par équipes. La fédération fait alors appel à Cécile. À partir de là, tout s’accélère. Elle enchaîne avec les Championnats d’Europe en 2011, médaille d’agent à la clé, et décroche ses premiers titres de Championne de France tout en marquant des points sur le circuit mondial.
En 2012, la nouvelle tombe. En étant parmi les douze meilleures tireuses du monde, la jeune femme est sélectionnée à l’épée pour les Jeux Paralympiques de Londres. « Une joie indescriptible ! Il m’a fallu du temps pour réaliser », raconte-t-elle. Elle discute alors avec son entraîneur de ses ambitions. « On s’était fixé un seul objectif : sortir des poules », précise Gilles. Après une cérémonie d’ouverture riche en émotions, Cécile attaque la compétition. La journée passe et pendant le dernier combat, son coach prend conscience que la qualification va se jouer à la différence de points. Il la regarde, et lui fait le signe "deux" avec sa main : « Deux touches et tu es en quarts de finale ». La tension est palpable, mais sa protégée finit par marquer ces deux points indispensables. « J'ai ensuite perdu contre une Allemande, mais j'avais réussi mon pari », confie-t-elle. Il lui reste alors une chance de faire mieux, grâce à la compétition par équipes. Les Françaises parviennent à sortir de leur groupe mais s’inclinent face aux Hongroises aux portes des demi-finales. Malgré tout, Cécile n’a pas de regret : « Ces Jeux resteront gravés dans ma mémoire à tout jamais. »